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HANOUKA À L'ÉLYSÉE : « LA FAUTE IMPARDONNABLE D'EMMANUEL MACRON » - Avec Retailleau

HANOUKA À L’ÉLYSÉE : « LA FAUTE IMPARDONNABLE D’EMMANUEL MACRON »

Tribune dans le Point le 9 décembre 2023 – Bruno Retailleau (LR) condamne la « fantastique confusion » du chef de l’État, qui met en péril la laïcité à la française. « Un crash présidentiel ».

Ainsi, Emmanuel Macron n’aura pas marché pour nos compatriotes juifs, mais il aura célébré Hanouka à l’Élysée, préférant la bougie d’une cérémonie religieuse plutôt que la banderole d’une manifestation républicaine. Ce crash présidentiel dans le champ de la laïcité française n’est malheureusement ni le fruit du hasard ni le résultat d’une maladresse. Ce qui devait arriver arriva.

À force de dire tout et le contraire de tout, de passer sans crier gare de Yassine Belattar à Jean-Pierre Chevènement, de vanter le multiculturalisme tout en regrettant la décivilisation, Emmanuel Macron s’est pris les pieds dans le tapis. Au risque d’entraîner dans sa chute le fragile édifice culturel et juridique sur lequel se tient encore debout – mais pour combien de temps ? – le modèle de notre nation française. Je ne sais pas si la célébration de l’Élysée relevait d’un coup de communication ; ce qui est sûr, c’est qu’elle est le produit d’une fantastique confusion.

Confusion, d’abord, sur la laïcité française. Si elle n’interdit pas les expressions culturelles du religieux dans l’espace public – quand elles correspondent à une tradition établie –, elle prohibe en revanche toute manifestation cultuelle par les autorités publiques. Autrement dit, que la présidence de la République organise chaque année, comme c’est l’usage, une galette des rois, personne n’y peut trouver rien à redire. Mais que diraient les Français si, à cette occasion, des Ave Maria étaient chantés à l’Élysée ? Ils s’en offusqueraient et ils auraient raison. En France, contrairement aux États-Unis, l’État est neutre. Et il doit le rester. Car telle est la condition de notre concorde civile : dans un pays hier meurtri par les querelles religieuses, aujourd’hui fracturé par les revendications communautaires, cette neutralité est une absolue nécessité autant qu’une part, désormais, de notre identité.

En la remettant en cause, Emmanuel Macron vient de créer un dangereux précédent : si, demain, certains exigent que l’Aïd soit célébré à l’Élysée, sur quel motif désormais le président pourra-t-il le leur refuser ? D’autant qu’en le faisant, il donnerait du grain à moudre aux nouveaux antisémites qui cherchent à installer cette idée folle que la communauté juive serait privilégiée ; et que la laïcité ne serait qu’une arme de discrimination massive envers les musulmans. Du pain bénit pour les adeptes de Dieudonné et de Tariq Ramadan. Le président s’est donc mis – et nous a mis – dans une situation impossible : soit ouvrir la boîte de Pandore des revendications communautaristes, soit offrir un boulevard au complotisme islamiste. Tomber dans ce piège quand on est président de la République : quelle faute impardonnable !

Confusion, ensuite, sur la citoyenneté française. En célébrant Hanouka là même où siège la République française après avoir refusé de marcher contre l’antisémitisme aux côtés des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, Emmanuel Macron donne le sentiment que la France considère nos compatriotes juifs d’abord comme des croyants, et non d’abord comme des citoyens. Ce faisant, il agit ainsi comme le gérant d’une société multiculturelle et non comme le garant d’une nation unitaire. Car si nous avons marché pour nos compatriotes juifs, c’est précisément parce qu’avant même d’être juifs, ils sont nos compatriotes ! En d’autres termes, nous n’avons pas marché au nom de « l’Autre » mais pour les nôtres ; nous n’avons pas brandi, face aux nouveaux antisémites, je ne sais quel « droit à la différence », mais la force d’une commune appartenance. C’est ce commun qu’il nous faut défendre contre tous les différentialismes, qu’ils soient confessionnels, ethniques ou sexuels. Or, c’est bien cette France qui nous est commune qu’Emmanuel Macron relègue au second plan lorsqu’il joue avec les appartenances communautaires.

En définitive, précisément, à quoi joue Emmanuel Macron ? De la reprise des attentats islamistes à la multiplication des actes antisémites, de la prolifération des manifestations propalestiniennes à la montée des tensions dans les banlieues, la France concentre comme rarement dans son histoire tous les ingrédients d’un cocktail explosif. Pendant ce temps, son président allume chaque semaine des polémiques qui enflamment le débat et divisent nos compatriotes. Tant d’inconscience au sommet de l’État laisse pantois. Les Français ont suffisamment de raisons d’être anxieux pour ne pas avoir à subir, en prime, les expérimentations incendiaires de l’apprenti sorcier de l’Élysée.