CE BUDGET CONSACRE LEE LAXISME BUDGÉTAIRE GÉNÉRALISÉ

Interview dans l’Opinion du 23 novembre 2023 – Alors que le projet de loi de finances 2024 s’apprête à être discuté en séance publique au Sénat, le président du groupe LR propose plus de 5 milliards d’euros d’économies au gouvernement. Il les dévoile en exclusivité à l’Opinion. Le bouclier tarifaire sur l’électricité serait réservé à 60 % des Français.

Le PLFSS s’est terminé sur une augmentation de 1,3 milliard des dépenses au Sénat, comment cela se fait-il ?

Ce n’est pas vrai : le Sénat n’a pas la possibilité d’augmenter les dépenses. C’est interdit par l’article 40 de la Constitution. Ce que je constate, c’est que le déficit de la Sécurité sociale va passer de plus de 8 milliards à plus de 11 milliards d’euros, sans qu’il n’y ait aucune réforme structurelle, aucune mesure courageuse pour diminuer la dépense. Ce PLFSS est insincère puisque l’objectif national de dépenses d’assurance maladie est sous-évalué. Avec le projet de loi de finances, ce budget social consacre le laxisme budgétaire généralisé.

Etes-vous pour ou contre l’augmentation de 50 centimes à 1 euro des franchises médicales sur les médicaments comme l’envisageait le gouvernement ?

J’y suis favorable. Le mythe de la gratuité a plombé notre système social et engendré la pénurie, on le voit sur le médicament.

Les députés LR sont contre…

Je plaide pour l’esprit de responsabilité. On n’a cessé d’élargir la générosité de notre modèle social et de restreindre le socle productif qui crée des richesses pour l’alimenter. L’Etat est en quasi-faillite. La dépense sociale atteint 32 % du PIB, ce qui annonce un effondrement de notre système de santé. L’hôpital est en crise comme jamais, les fermetures d’Urgences se multiplient, et 6 millions de Français n’ont pas accès à un médecin traitant. Sans remise en cause profonde du système, les Français seront de plus en plus mal soignés, et la médecine à deux vitesses s’accélèrera, au détriment de ceux qui n’ont pas les bonnes relations.

Quelles réformes proposez-vous dans la santé ?

Il faut tout revoir de fond en comble. Il faut débureaucratiser l’hôpital. Les soignants passent trop de temps en réunion et à remplir des tableurs Excel. En France, nous avons 34 % de personnel administratif, contre 25 % en Allemagne. Il faut déplacer le pouvoir vers le soignant et réarticuler la médecine de ville et l’hôpital, en donnant toute sa place au privé. Il faudra également, à terme, supprimer le statut dans la fonction publique, sauf pour les fonctions publiques régaliennes. Cela permettra plus de souplesse, une meilleure gestion des carrières et des salaires plus élevés.

Le projet de loi de finances arrive au Sénat. Vous promettez plus de 5 milliards d’économies. Comment faites-vous ?

Emmanuel Macron est le Président le plus dépensier de la Ve République. Depuis 2020, la dette a augmenté de presque 700 milliards quand le PIB n’a progressé que de 280 milliards. Il faut tuer cette vache sacrée, malheureusement si française : non, la dépense publique ne crée pas la croissance. Pire, elle ne suffit plus à acheter la paix sociale, on l’a vu avec les émeutes dans les banlieues. Et pourtant, le gouvernement continue à augmenter les moyens de tous les ministères. Sur 16 milliards d’économies, 14 milliards viennent de l’arrêt de dispositifs exceptionnels. Parallèlement, le gouvernement crée 8 000 emplois publics supplémentaires. Les agences de l’Etat, qui représentent 80 milliards d’euros de dépenses par an et 410 000 emplois, ne sont pas gérées. Nous avons donc trouvé 200 millions de baisses sur l’aide au développement et le même montant en annulant l’augmentation du budget de l’audiovisuel public. Nous faisons 410 millions d’économies sur l’aide médicale d’Etat, transformée en aide médicale d’urgence. Nous allons proposer 600 millions d’économies en supprimant les primes d’apprentissage versées aux entreprises de plus de 250 salariés et après bac+2. Nous raboterons aussi le plan d’investissement dans les compétences de 500 millions d’euros. De même, nous voulons remettre trois jours de carence en cas d’arrêt maladie dans la fonction publique. Nous proposerons également de réserver le bouclier électricité, qui va encore coûter 10 milliards d’euros en 2024, aux Français les moins aisés. Cela rapportera un milliard d’euros. Il sera même renforcé pour les plus modestes et les familles nombreuses. Car j’assume qu’il faut des dispositifs d’aides plus ciblés. Il y aura aussi des mesures de sincérisation budgétaire.

Ce n’est pas ce que disent vos camarades de l’Assemblée nationale…

Ils parlent du carburant, pas de l’électricité. Mais j’assume. Il n’est pas possible de subventionner les véhicules allemands qui traversent la France, avec une réduction de la facture pour tout le monde. Il faut comprendre que nous n’avons plus d’argent, que notre dette est astronomique et qu’on est à la merci d’une dégradation de notre note par Standard and Poor’s.

Sur les collectivités locales, n’y a-t-il pas des économies à faire ?

Elles ne réclament pas l’aumône ! Il faut conclure un pacte avec elles : pas plus d’argent, certes, mais surtout moins de contraintes. Le grand découragement des maires ne vient pas seulement des violences à leur encontre, mais du fait que les élus sont empêchés d’agir par un Etat centralisateur. Les schémas se multiplient. Les différents codes, comme celui de l’urbanisme ou de l’environnement, ne cessent de grossir. On vient d’apprendre que les décrets d’application sur le zéro artificialisation nette des sols est tellement compliqué qu’il s’accompagne d’une notice de 16 pages d’explications. Sortons de l’Absurditan ! Moi, je ne veux pas que demain, il faille être un technocrate pour être à la tête d’une commune. L’Etat profond n’a jamais accepté la décentralisation : les libertés accordées ont été étouffées par une recentralisation rampante et la fin de l’autonomie fiscale. Faisons respirer le système et le pari de la liberté ! Si les maires avaient les mains libres, ils construiraient plus de logements.

Le projet de loi immigration arrive à l’Assemblée avec un article remanié sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. Qu’en pensez-vous ?

En supprimant l’article 3, nous avons supprimé la prime à la fraude et rendu impossible la régularisation automatique des clandestins qui travaillent. Il aurait suffi de quelques fiches de paie factices pour obtenir un titre de séjour ! Avec notre texte, la régularisation pourra certes être demandée par le travailleur, mais elle ne sera possible qu’au cas par cas, après vérification par l’administration de la réalité du travail et du niveau d’assimilation. La majorité à l’Assemblée veut revenir à une régularisation automatique, sauf en cas de veto du Préfet. C’est l’esprit exactement inverse de notre texte, et ce sera un nid à contentieux. Si c’est le cas, alors pour nous, ce sera niet : nous voterons contre le texte.

Jusqu’à voter une motion de censure contre le gouvernement en cas de 49.3 ?

Si le texte du Sénat est déconstruit par l’Assemblée nationale, il est légitime que les députés LR s’y opposent par tous les moyens.