La droite va devoir vaincre sa peur du politiquement correct et de la bien-pensance.

Et si c’était lui ? Bruno Retailleau commence à bien sentir sa campagne face à Eric Ciotti et Aurélien Pradié pour la présidence des Républicains, remise en jeu les 4 et 11 décembre. Lundi, les trois candidats débattront sur LCI. Avant ce rendez-vous important, le président du groupe LR au Sénat détaille son projet à l’Opinion.

L’OPINION : Si vous devenez président des Républicains, quel sera le premier adversaire de votre parti  ? Cela restera-t-il Emmanuel Macron comme pendant les cinq années écoulées ?
Bruno Retailleau : J’ai une autre ambition pour LR que d’en faire la béquille du macronisme. Le moteur de la politique, ce sont les convictions. Or, Emmanuel Macron n’en a pas. Pour moi, il est hors de question que Les Républicains deviennent un supplétif dans la majorité présidentielle. Emmanuel Macron est un adversaire. Contrairement à ce que pensent certains, on n’est pas un président de droite quand on nomme Pap Ndiaye, qui est un wokiste de salon, à la tête de l’Education nationale. On n’est pas un président de droite quand on ouvre le port de Toulon à l’immigration clandestine.

Sur les retraites, vous avez fait adopter au Sénat un amendement pour un report de l’âge légal de départ à 64 ans. Faudra-t-il trouver un accord avec l’exécutif puisque vous défendez à peu près la même réforme ?
Emmanuel Macron avait refusé de toucher à l’âge légal lors de son premier mandat. Ce n’est pas parce qu’il change de pied aujourd’hui que nous devons changer nos convictions. Au « en même temps », on doit opposer la cohérence. Aujourd’hui, si rien n’est fait, ce sera l’appauvrissement des retraités et des jeunes générations. C’est pourquoi il faut reporter l’âge de départ à 64 ans et allonger la durée de cotisation. Notre ligne est double. D’une part, nous voulons financer par cette réforme des mesures de justice. Nous voulons un minimum garanti à 1 200 euros pour ceux qui ont une carrière complète, la création d’une pension de réversion pour les enfants handicapés. D’autre part, nous ne voulons pas être de faux-monnayeurs en matière de générosité. Il n’est pas question de faire porter sur le contribuable de nouvelles charges et sur nos enfants une dette encore plus abyssale. Seul le report de l’âge légal à 64 ans permettra de protéger le pouvoir d’achat des retraités et de sauver notre système par répartition. Une droite solide, c’est d’abord une droite crédible.

C’est une pierre dans le jardin d’Aurélien Pradié, opposé à tout report d’âge légal ?
Nous devons tenir aux Français un langage de vérité. Il n’y aura pas de vraie prospérité sans vraies réformes, sur le travail, sur le modèle social, sur l’Etat aussi. Si nous n’avons pas le courage de dire ces vérités, alors en quoi la droite pourrait être utile à la France et aux Français ? Car en matière de démagogie, Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen feront toujours mieux que nous.

Jugez-vous qu’il y a trop d’étrangers en France ?
Oui. L’immigration n’est pas une chance pour la France. On le constate quand on voit concrètement le lien qui existe entre l’immigration massive, la violence et le communautarisme, qui fait le lit de l’islamisme. Nous ne parvenons plus à assimiler. La prophétie de Gérard Collomb (« On vit côte à côte. Je crains que demain on vive face à face ») et l’aveu de François Hollande (le « risque de partition ») sont clairs. Mais Emmanuel Macron ne veut pas les voir. En la matière, la gauche libertaire et le macronisme néolibéral, c’est la même chose. Pour la première, l’immigré s’est substitué à la figure rédemptrice du prolétaire. Pour le second, un immigré est un individu interchangeable que l’on peut déraciner sans conséquences en fonction des besoins économiques. Pour les deux, la frontière est un obstacle qu’il faut effacer.

Eric Ciotti raconte vous avoir dit lors d’un de vos échanges que vous étiez plus à droite que lui. Etes-vous d’accord avec lui ?
Ce qui est sûr, c’est que notre combat politique doit être d’abord un combat culturel : avant de gagner dans les urnes, il faut gagner dans les têtes. J’essaie d’avoir une vision à 360° parce qu’on doit parler de sécurité et d’impôts, mais aussi d’éducation et d’écologie. Et puis, proposer des mesures, c’est bien, mais ce qui est important en politique, c’est la capacité à faire. Voilà pourquoi la priorité pour moi, c’est le retour de la souveraineté de l’Etat : cela ne sert à rien de promettre la fermeté face à l’islam politique si l’on ne fait rien face à la Cour européenne des droits de l’homme qui, récemment, a contraint la France à rapatrier les épouses de jihadistes. Il faut inscrire dans la constitution que, lorsque nos intérêts vitaux sont en jeu, le dernier mot revient à la loi française et non aux juges.

Quelle est, selon vous, la plus grande occasion manquée par votre camp ces dix dernières années ?
Il y en a eu tant… Je pense fondamentalement que la droite s’est perdue dans la guerre des ego en négligeant le combat des idées, même si François Fillon avait fait un travail de fond considérable qui lui a permis de recueillir 20 % au premier tour de 2017.

Dans Le Figaro, Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse qui a décidé de quitter le parti, estime que, comme vos concurrents, vous pratiquez une « stratégie de l’isolement » en souhaitant que « Les Républicains restent seuls, sans conclure d’alliance (…), abandonnant le centre ». Que lui répondez-vous ?
Je crois qu’en réalité, il reproche surtout à LR de ne pas s’allier avec Emmanuel Macron… Ce qui a « isolé » la droite, ce sont ses dix millions d’électeurs qu’elle a perdus ces quinze dernières années parce qu’elle s’est trop souvent reniée. Je veux tendre la main à tous ceux qui nous ont quittés pour voter Marine Le Pen, Eric Zemmour ou Emmanuel Macron. Pour les convaincre de revenir, la droite va d’abord devoir vaincre sa peur du politiquement correct et de la bien-pensance.

A l’Assemblée nationale, le groupe LR a-t-il une position suffisamment claire vis-à-vis de l’exécutif ?
Je fais confiance à Olivier Marleix qui préside très bien un groupe plongé dans une marmite bouillante. Ce qui compte pour nous, ce n’est pas de rajouter du désordre au chaos. La politique du pire, c’est toujours la pire des politiques. L’important pour nous, c’est d’être lisible et cohérent sur chaque texte, de nous opposer résolument quand les textes vont à l’encontre de nos convictions, mais d’approuver si telle ou telle loi va dans le sens de l’intérêt national. Quant à la motion de censure, cela n’aurait aucun sens de mêler nos voix à celles de la France insoumise et du Rassemblement national. Il faudra sans doute le moment venu déposer notre propre motion de censure. Nous choisirons le moment et le motif. Mais pour le faire, il faut être prêt à affronter une dissolution. Aujourd’hui, nous ne le sommes pas. Il faut d’abord que la droite se reconstruise.

Quelle méthode proposez-vous pour élire le candidat des Républicains pour la présidentielle de 2027 ?
Il y a deux questions derrière cela : l’une de calendrier, l’autre de modalité. Concernant le calendrier, ce serait une erreur de désigner notre candidat dès 2023. Pour le parti, ce serait remettre les ego avant les idées. Incarner, c’est bien, mais incarner quelque chose, c’est mieux. Pour le candidat, ce serait prendre le risque de l’électrocuter si nous trébuchions aux européennes de 2024. Le bon calendrier, c’est de désigner notre candidat après cette échéance. Quant à la méthode, la primaire (l’article 57) n’est plus dans nos statuts et je ne compte pas l’y remettre. En revanche, il n’est pas question de faire désigner notre candidat par les chapeaux à plumes. Je suis pour un parti moderne et démocratique : ce sont les adhérents qui désigneront notre candidat.

Vous insistez beaucoup sur la refondation idéologique du parti. Comment comptez-vous vous y prendre pour la mener si vous l’emportez ?
Je lancerai des assises de la refondation à partir de chaque fédération départementale. Cela sera une étape indispensable pour montrer que nous avons une ligne cohérente et que nous avons changé. Ces dernières décennies, à l’exception de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy de 2007, où un vrai travail de fond a été mené, la droite s’est toujours définie par rapport à ses adversaires. Il est temps pour nous de porter notre propre vision de la société.

Un mot pour qualifier Laurent Wauquiez ?
Un vrai talent.

Marine Le Pen ?
Démagogique.

Edouard Philippe ?
En même temps.

 

Propos recueillis par Ludovic Vigogne.
Publié le 17 novembre 2022 à 14h55.